Compte à rebours avant la Nouvelle-Écosse
par Lucas Aykroyd|05 FÉVR. 2020
Jill Saulnier et Blayre Turnbull espèrent aider le Canada à gagner leur première médaille d’or au Mondial féminin depuis 2012, quand le pays sera l’hôte du tournoi à Halifax.
photo: Kristen Lipscombe
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Les billets pour le Championnat mondial de hockey sur glace féminin 2020 de l’IIHF sont un produit en demande. Et si votre nom est Blayre Turnbull ou Jill Saulnier, c’est encore plus vrai.

Les deux attaquantes d’expérience d’Équipe Canada sont excitées que ce tournoi soit de retour dans leur province d’origine de la Nouvelle-Écosse pour une première fois depuis 2004. Turnbull affirme que si elle se taille un poste au sein de la formation canadienne, elle s’attend à ce que près de 30 membres de sa famille soient présents dans les estrades du Scotiabank Centre de Halifax, en plus de certains de ses amis.

« J’espère qu’il y aura suffisamment de billets de côté pour ma famille », raconte la joueuse de 26 ans de Stellarton, qui a préparé le but gagnant de Victoria Bach dans une victoire de 3-2 en prolongation au troisième match de la Série de la rivalité 2019-2020, à Victoria, pour réduire l’avance des États-Unis à 2-1 dans la série. « La famille de Jill sera probablement encore plus nombreuse que la mienne. Donc, les Saulnier et les Turnbull, si nous faisons partie de l’équipe, occuperont peut-être une section complète. »

L’année 2004 a été marquée par quelques sommets importants dans l’histoire du hockey féminin canadien. La nation hôte a vaincu les États-Unis au compte de 2-0 en finale à Halifax grâce aux buts de Hayley Wickenheiser et de Delaney Collins, ainsi qu’à un jeu blanc de Kim St-Pierre. Il s’agissait pour le Canada d’une huitième médaille d’or de suite au Mondial féminin, un record, si on remontait au tournoi inaugural de 1990 à Ottawa. 

Saulnier et Turnbull, alors âgées respectivement de 12 et 10 ans, étaient sur place en tant que membres de l’équipe élite printanière des Raiders. Elles ont été inspirées par des joueuses étoiles du tournoi comme Jayna Hefford et Jennifer Botterill, qu’elles ont encouragées. 

« Je me souviens que c’était l’une des premières fois que je jouais dans la même équipe que Jill », confie Turnbull. « Notre équipe a assisté à des matchs et nous allions aux séances d’autographes et aux rencontres avec les membres de la formation nationale. Les deux nous avons encore des photos avec l’équipe, des autographes et des choses dont nous nous souvenons. C’est un souvenir qui nous provoque encore plusieurs fous rires. »

Aujourd'hui, Saulnier et Turnbull se concentrent à participer à leur quatrième Mondial féminin (à Halifax et Truro, du 31 mars au 10 avril). Elles sont prêtes à accepter n’importe quel rôle qu’on leur confiera. Après tout, il s’agit d’une occasion unique. La dernière fois que des Canadiennes ont gagné l’or dans leur province natale, c’était en 2007, à Winnipeg, quand Botterill, Collins, et la gardienne de but Sami Jo Small ont fait la fierté du Manitoba.

« J’ai la chance de représenter le Canada depuis un bout de temps », lance Saulnier. « J’ai bien sûr joué différents rôles. Peu importe la situation, j’ai toujours eu beaucoup de plaisir. Dans mon rôle actuel, je me considère comme une joueuse d’énergie. Je deviens de plus en plus une vétérante aussi. Je suis avec l’équipe depuis un bout de temps et c’est un honneur pour moi. J’essaie de prêcher par l’exemple, mais aussi d’amener de l’énergie et un certain niveau de compétition. »

Saulnier, une double médaillée d’argent du Mondial féminin (2015, 2016), a également fait partie de l’équipe olympique du Canada de 2018. Elle a participé au premier but du Canada dans une victoire de 5-0 contre la Russie en ronde préliminaire et elle a marqué le quatrième but dans un triomphe de 4-1 face à la Finlande. L’athlète de 1,66 m et 65 kg a été limitée à une mention d’aide en sept parties quand le Canada a dû se contenter de la médaille de bronze au Mondial féminin 2019, à Espoo, Finlande.
La Canadienne Jill Saulnier est tout sourire après un but marqué aux Jeux olympiques d'hiver de 2018.
photo: André Ringuette / HHOF-IIHF Images
Turnbull, ancienne capitaine de l’Université du Wisconsin qui a gagné l’argent en 2016 et en 2017, a connu son meilleur tournoi dans l’uniforme du Canada au Mondial féminin 2019. Après avoir obtenu trois aides à PyeongChang, dont une sur une passe transversale vers Haley Irwin sur le premier but dans un revers de 3-2 subi en tirs de barrage contre les Américaines, elle a marqué quatre buts à Espoo.

Cependant, l’attaquante de 1,70 m et 70 kg a dû quitter la rencontre historique de demi-finale perdue 4-2 par le Canada face à la Finlande après avoir reçu une mise en échec douteuse de Ronja Savolainen. Fâchées, les Canadiennes ont dû repartir avec la médaille de bronze, après avoir blanchi les Russes 7-0.

« Nous amorçons chaque tournoi en visant l’or », confie Turnbull. « Je pense que pour nous, terminer en troisième place, c’est évidemment difficile à accepter. C’est une pilule qui n’est pas facile à avaler. Et je pense que ça nous fait réaliser que c’est inacceptable de viser l’or et de repartir avec le bronze. Nous ne voulons pas que ça se reproduise encore et je pense nous ne laisserons jamais une telle situation survenir à nouveau. »

Maintenant, le point de mire est sur ce qui s’en vient. Même si le Mondial féminin 2020 fera une différence pour plusieurs filles de la province la plus populeuse du Canada atlantique, la tâche de faire croître ce sport va bien au-delà d’un simple tournoi. L’IIHF tient des événements comme la Fin de semaine mondiale du hockey sur glace féminin (en octobre) et le Match mondial de hockey féminin (en février). De leur côté, Saulnier et Turnbull font leur part en organisant un camp annuel estival de développement des habiletés en Nouvelle-Écosse.

Turnbull explique : « Nous avons commencé après les Jeux olympiques. C’est un camp féminin, habituellement présenté à deux ou trois endroits. Nous allons en faire un à Halifax et un à New Glasgow. Parfois, nous nous rendons au Cap-Breton pour en tenir un là-bas. L’été prochain, nous irons à Halifax et New Glasgow. Nous irons sur la glace avec quelques jeunes en espérant avoir du plaisir. »

Quel est le plus grand avantage de tenir un camp du genre?

« Je pense que c’est de voir la joie sur le visage des enfants et, pour moi et Jill, ça nous apporte beaucoup de bonheur. Nous avons peut-être eu un plus grand impact que nous le pensons. C’est pas mal spécial pour nous d’être reconnues comme des modèles maintenant. Et je pense que c’est superbe pour les jeunes de suivre des personnes qui viennent de la même place. Moi et Jill, nous n’avons pas eu cette chance quand nous étions jeunes. Nous n’avons pas eu l’occasion de participer à un camp de hockey féminin. C’est une façon amusante pour nous de redonner et de connaître les jeunes, de rencontrer leurs parents et de créer des liens. »

La communauté du hockey féminin de la Nouvelle-Écosse est tissée serrée. Quand l’association entre l’entraîneur-chef Perry Pearn et Hockey Canada a pris fin en janvier, l’entraîneur adjoint Troy Ryan, originaire de Spryfield, Nouvelle-Écosse, a pris les rênes de l’équipe.

Ryan, âgé de 48 ans, avait fait ses débuts officiels derrière le banc de l’équipe senior dans un tournoi de l’IIHF au Mondial féminin 2017. En novembre, il a dirigé le Canada lors de ses deux victoires en matchs hors concours (4-1 et 5-3) lors d’un camp d'entraînement conjoint avec les Américaines à Pittsburgh. Cette performance a aidé à convaincre la directrice générale Kingsbury que Ryan méritait une promotion au poste à temps plein.

« Troy est incroyable », lance Saulnier. « J’ai le plaisir de le connaître depuis des années, évidemment en étant originaire de la côte est. C’est le type d’entraîneur pour lequel tu espères toujours jouer un jour. Les choses ont été incroyables avec lui au cours des dernières années. Juste avec le fait de l’avoir comme entraîneur-chef, nous pouvons voir la motivation et les étoiles dans les yeux des filles et sentir que nous voulons gagner et nous améliorer. Son encadrement et son leadership ont été assurément sans pareils. »

Le Canada n’a pas affronté les États-Unis en finale du Mondial féminin 2019; c’était la première fois que cela survenait en 19 matchs pour la médaille d’or. Encore une fois, la Série de la rivalité démontre que la principale rivalité internationale est encore entre les deux superpuissances nord-américaines. Le fait que les Américaines ont gagné cinq fois de suite le Mondial féminin et qu’elles sont les championnes olympiques en titre a seulement fait grandir le sentiment d’urgence du Canada de répliquer.
Blayre Turnbull manifeste sa joie après une victoire au Championnat mondial de hockey sur glace féminin 2016 de l’IIHF.
photo: André Ringuette / HHOF-IIHF Images
Selon Turnbull, le fait que les Américaines et les Canadiennes soient associées sur une base régulière par l’intermédiaire de leur adhésion à la Professional Women’s Hockey Players Association (PWHPA) ne signifie pas qu’elles sont complices.

« Je pense qu’à l’extérieur de la patinoire, notre situation a changé un peu », avoue Turnbull. « Évidemment, quelques joueuses sont devenues de bonnes amies et connaissances, juste parce que nous combattons toutes pour la même cause à ce stade-ci de notre carrière au hockey. Mais aussitôt que nous sautons sur la glace, toute cette amitié est mise de côté. C’est encore une rivalité féroce qui fait grimper les émotions dans les deux clans. Aucune équipe ne veut perdre. Il y a encore une très grande compétition. »

Saulnier, qui a remporté le championnat de la LCHF avec Turnbull en 2016 au sein de l’Inferno de Calgary, admet que le fait de jouer des matchs hors concours de façon sporadique partout en Amérique du Nord dans le cadre de la tournée Dream Gap 2019-2020 amène son lot de défis. 

Encore, la diplômée de l’Université Cornell qui a été finaliste au prix Patty-Kazmaier en 2014 se concentre sur le portrait global d’assurer un avenir viable pour le hockey féminin. Saulnier a étudié en agriculture et en sciences de la vie. Pour elle, tout est une question de semer pour plus tard. 

« C’est certain que c’est difficile de se motiver sans qu’il y ait un prix en fin de compte », raconte Saulnier. « Mais en fin de compte, le prix, c’est que la prochaine génération ait une place pour jouer. Si ce n’est pas un bon facteur de motivation, je me demande ce que c’est! Oui, c’est difficile de se lever chaque jour et d’attendre le prochain événement ou peu importe ce qui se passe. Mais c’est le quotidien et tous les petits pas que l’on franchit qui en fin de compte feront la différence. »

Une philosophie semblable repose derrière cette décision d’augmenter le nombre d’équipes de huit à dix au Mondial féminin, comme ce fut le cas pour la première fois à Espoo l’an passé. Le président de l’IIHF, René Fasel, a été à l’origine de cette décision. Grâce à l’approbation de la commission exécutive du CIO en 2018, il y aura également dix équipes aux Jeux olympiques de 2022 à Beijing, ce qui augmentera la visibilité et la popularité du hockey féminin partout dans le monde.

Au prochain Mondial féminin, Turnbull et Saulnier sont certaines que les équipes du groupe B – formé du Japon, de la République tchèque, de l’Allemagne et des nouvelles venues du Danemark et de la Hongrie, auront droit à un accueil chaleureux au Rath Eastlink Community Centre de Truro.

« Ma ville natale de Stellarton est à environ 40 minutes de Truro », dit Turnbull. « Je pense qu’il y aura une belle ambiance. Les gens de cette région adorent le hockey. Il y a des équipes junior A et midget AAA du coin qui ont de bonnes foules. Je me souviens, quand j’étais jeune, nous allions jouer à Truro et il y avait une rivalité très excitante entre Truro et le comté de Pictou. Je pense que les formations du groupe B peuvent s’attendre à jouer devant de bonnes foules engagées et excitées de voir du bon hockey. »

Effectivement, ce sera du bon temps. Et Saulnier, native de Halifax, ne se prend pas trop au sérieux malgré son intensité élevée sur la glace.

Comme Elias Pettersson des Canucks de Vancouver, elle arrive à jongler en faisant du monocycle. Quand on l’a informée que les deux avaient ce talent commun, elle a dit : « Je ne lui ai jamais parlé. Je ne savais pas qu’il pouvait faire ça! Nous devrons faire une course un jour ou nous mettre au défi pour voir qui d’entre nous peut tenir le plus longtemps ou quelque chose du genre. »

Après avoir perdu un pari quand l’équipe féminine des M18 du Canada s’est inclinée 2-1 en prolongation devant les États-Unis au match pour la médaille d’or de janvier au Mondial féminin des M18, à Bratislava, Saulnier a dû payer un déjeuner à la vedette américaine Hilary Knight. (Du pain doré au cas où vous voudriez savoir.) Alors Saulnier est la bonne personne à qui demander où on doit aller manger, quoi voir et quoi faire entre les matchs dans la capitale de la Nouvelle-Écosse.

« Le centre-ville de Halifax est en pleine expansion. Ça devient excitant! Si vous aimez l’eau, allez-y et mangez des fruits de mer. Il y a de bons homards sur le bord de l’eau. Je dirais qu’il n’y a rien de mieux que ça et un match de hockey dans une journée! »

En d’autres mots, procurez-vous vos billets, mesdames et messieurs. Comme disent les Néo-Écossais : « Profitez-en au maximum. »